CJUE C-399/21

23.12.2022


ARRÊT DE LA COUR - 8 septembre 2022 - C 399/21
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 24, point 4, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (le « règlement Bruxelles I bis »).
Aux termes de l’article 24 du règlement Bruxelles I bis :
« Sont seules compétentes les juridictions ci-après d’un État membre, sans considération de domicile des parties :
4)      en matière d’inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à un enregistrement […]. »
Les sociétés X et Y sont des sociétés ayant leur siège social en Suède. Le 13 décembre 2019, la société X a introduit un recours devant le Tribunal de la propriété industrielle et de commerce tendant à faire constater qu’elle pouvait se prévaloir d’un droit légitime sur les inventions visées par des demandes de brevet internationales déposées par la société Y, complétées par des demandes de brevet européen, américain et chinois, ainsi que par des brevets américains délivrés à la société Y.
La société X avait exposé que ces inventions avaient été réalisées par un de ses employés, de telle sorte que celui-ci devait être considéré comme étant l’inventeur ou le co-inventeur. La société X a soutenu que, en sa qualité d’employeur et donc d’ayant droit de l’inventeur, elle devait être considérée comme étant la propriétaire desdites inventions.
Le Tribunal de la propriété industrielle et de commerce s’est déclaré incompétent pour connaître du recours relatif au droit allégué de la société X sur les inventions visées par les demandes de brevets chinois et américains déposées par la société Y ainsi que par les brevets américains délivrés à cette dernière.
La société X a interjeté appel devant la juridiction de renvoi contre cette décision d’incompétence.
Selon cette juridiction, le litige dont elle est saisie relève du champ d’application du règlement Bruxelles I bis, dès lors qu’il viserait à faire constater l’existence d’un droit légitime sur une invention et qu’il aurait donc un caractère civil et commercial.
Dans ces circonstances, la cour d’appel a décidé de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour.
Selon la Cour, il convient de considérer que la juridiction de renvoi demande si l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles I bis doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à un litige tendant à déterminer si une personne est titulaire du droit sur des inventions visées par des demandes de brevet déposées et par des brevets délivrés dans des pays tiers.
Aux fins de répondre à cette question, il convient, en premier lieu, de déterminer si une situation juridique présentant un élément d’extranéité qui se situe sur le territoire d’un pays tiers, telle que celle en cause au principal, relève du champ d’application du règlement Bruxelles I bis.
En l’occurrence, les demandes de brevet en cause ont été déposées et les brevets concernés délivrés non pas dans un État membre, mais dans des pays tiers, à savoir aux États-Unis et en Chine. Or, l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles I bis n’envisageant pas cette situation, cette disposition ne peut pas être considérée comme étant applicable au litige.
D’autre part, le litige ne constitue pas un litige « en matière d’inscription ou de validité des brevets », au sens de l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles I bis, si bien qu’il n’est pas nécessaire de le réserver aux juridictions ayant une proximité matérielle et juridique avec le registre.
La Cour a précisé que sont à considérer comme étant des litiges « en matière d’inscription ou de validité des brevets », au sens de l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles I bis, les litiges dans lesquels l’attribution d’une compétence exclusive aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le brevet a été délivré est justifiée par le fait que ces juridictions sont les mieux placées pour connaître des cas portant sur la validité ou la déchéance d’un brevet, sur l’existence du dépôt ou de l’enregistrement de celui-ci, ou encore sur la revendication d’un droit de priorité au titre d’un dépôt antérieur. Si, par contre, un litige ne porte pas sur la validité d’un brevet ou sur l’existence de son dépôt ou de son enregistrement, ce litige ne relève pas de cette disposition.
En l’occurrence, le litige au principal porte non pas sur l’existence du dépôt d’une demande de brevet ou la délivrance d’un brevet, sur la validité ou la déchéance d’un brevet, ou encore sur la revendication d’un droit de priorité au titre d’un dépôt antérieur, mais sur le point de savoir si la société Y doit être considérée comme étant le titulaire du droit sur les inventions concernées ou sur une partie de celles-ci.
En effet, force est de constater que la question de savoir à qui appartiennent les inventions concernées, laquelle englobe celle de savoir qui en est l’inventeur, concerne non pas la demande d’un titre de propriété intellectuelle ou ce titre en tant que tels, mais leur objet. Or, si la Cour a jugé, que la question de savoir de quel patrimoine personnel relève un titre de propriété intellectuelle ne présente pas, en règle générale, un lien de proximité matérielle ou juridique avec le lieu de l’enregistrement de ce titre qui justifierait l’application de la règle de compétence exclusive prévue à l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles I bis, cette considération vaut également, à tout le moins, lorsque cette question porte uniquement sur l’objet dudit titre, à savoir l’invention.
Il y a lieu d’observer que la circonstance qu’un examen des revendications du brevet ou de la demande de brevet en cause puisse être effectué au regard du droit matériel des brevets du pays sur le territoire duquel cette demande a été déposée ou ce brevet a été délivré n’impose pas non plus l’application de la règle de compétence exclusive énoncée à l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles I bis.
L’article 24, point 4, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’applique pas à un litige tendant à déterminer, dans le cadre d’un recours fondé sur la qualité alléguée d’inventeur ou de co-inventeur, si une personne est titulaire du droit sur des inventions visées par des demandes de brevet déposées et par des brevets délivrés dans des pays tiers.