Certificats complémentaires de protection : quelle date de fin ?

20.10.2015

L’industrie pharmaceutique est l’un des secteurs les plus importants dans le domaine des brevets. Ainsi, malgré une légère baisse des dépôts de demandes de brevet auprès de l’Office européen des brevets en 2014 se rapportant à l’industrie pharmaceutique, le secteur reste à la dixième place du nombre de dépôts, tous secteurs confondus.



Afin d’être mis sur le marché, notamment dans la Communauté européenne, un médicament doit recevoir une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par la Communauté selon le règlement (CE) N° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil.La procédure d’obtention d’une autorisation de mise sur le marché étant particulièrement longue et complexe, le titulaire d’un brevet voit la protection conférée par son titre réduite à une durée « insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche Â» selon le considérant 5 du règlement (CE) N°469/2009 du Parlement européen et du Conseil. Pour favoriser la recherche pharmaceutique dans l’Union, ce règlement prévoit, dans ses considérants 8 et 9, l’établissement d’un « certificat complémentaire de protection [(CCP)] pour les médicaments ayant donné lieu à une autorisation de mise sur le marché, qui puisse être obtenu par le titulaire d’un brevet national ou européen Â» afin que la durée de la protection conférée par le certificat permette une « protection effective suffisante Â».L’article 13, paragraphe 1 du règlement N°469/2009 prévoit que la durée du certificat est « Ã©gale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d’une période de cinq ans Â».Dans le cadre d’un litige opposant Seattle Genomics à l’Office autrichien des brevets concernant la date de la première autorisation de la mise sur la marché, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne) a posé à la Cour de justice de l’Union européenne les questions préjudicielles suivantes :1)    La date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement N°469/2009, est-elle déterminée par le droit de l’Union, ou bien cette disposition se réfère-t-elle à la date à laquelle l’autorisation a pris effet en vertu du droit de l’État membre concerné ?2)    Dans l’hypothèse où la Cour dirait pour droit que la date visée à la première question est déterminée par le droit de l’Union : quelle est la date à prendre en considération ? Celle de l’autorisation ou celle de la communication ?Dans son arrêt du 06/10/2015, la Cour a répondu à ces deux questions de la manière suivante :Quant à la première question, la Cour rappelle que selon une jurisprudence constante, « il découle de l’exigence d’une application uniforme du droit de l’Union que, dans la mesure où une disposition de celui-ci ne renvoie pas au droit des États membres en ce qui concerne une notion particulière, cette dernière doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme Â».L’article 13 du règlement N°469/2009 ne définit pas la notion de date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, ni ne renvoie aux différents droit nationaux. Selon la Cour, l’article 13 doit être considéré « comme contenant une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière Â».Les considérants 7 et 8 du règlement N°469/2009 visent à établir « une solution uniforme au niveau communautaire et [à] prévenir ainsi une évolution hétérogène des législations nationales Â». La cour ajoute donc que si la notion de date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté pouvait être déterminée selon le droit national, « l’objectif visant à instaurer une telle solution uniforme au niveau de l’Union serait compromis Â».La cour a donc répondu à la première question comme suit : L’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) N° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments doit être interprété en ce sens que la notion de « date de la première autorisation de mise sur le marché dans l’Union européenne Â» est définie par le droit de l’Union.La seconde question est de savoir si la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté doit être interprétée comme étant la date de la décision de délivrance de l’autorisation de mise sur le marché ou celle de la notification de la décision à son destinataire.La Cour rappelle que l’objectif du règlement N°469/2009 est de rétablir une protection effective suffisante pour le titulaire du brevet, et ainsi compenser le temps perdu pour l’exploitation commerciale du médicament à cause de la durée qui s’est écoulée entre le dépôt du brevet et la première autorisation de mise sur le marché. Donc, selon la Cour, « le calcul de la durée de protection complémentaire ne saurait être effectué sans prendre en compte la détermination de la date à compter de laquelle le bénéficiaire d’un CCP est effectivement à même de jouir de l’AMM en commercialisant son produit Â».La Cour poursuit au point 35 de son arrêt en constatant « qu’il n’est permis au titulaire d’un CCP de commercialiser son produit qu’à partir de la date de la notification de la décision octroyant l’AMM considérée et non pas à partir de la date à laquelle une telle décision a été adoptée Â» et rappelle au point 37 que « les décisions portant AMM délivrées par la Commission, telles que la décision d’exécution C(2012) 7764 final, sont soumises aux prescriptions de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, selon lequel les décisions qui désignent un destinataire sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification Â».La Cour a donc répondu à la seconde question comme suit :L’article 13, paragraphe 1, du règlement N° 469/2009 doit être interprété en ce sens que la « date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté Â», au sens de cette disposition, est celle de la notification de la décision portant autorisation de mise sur le marché à son destinataire.Ref : Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 06/10/2015, C-471/14