Décision G2/06 dite sur les "embryons humains"

08.12.2008

Le 25/11/2008, la Grande Chambre de Recours de l’OEB a rendu sa décision sur des revendications portant sur des cultures de cellules souches embryonnaires humaines, dont l'obtention impliquait, à la date de dépôt, l'utilisation puis la destruction d'embryons humains.



La Grande Chambre a été saisie le 07/04/2006 par la Chambre de Recours 3.3.08, statuant sur un recours après rejet de la demande de brevet européen n° 96903521.1 par la Division d'Examen. Les revendications portaient sur des produits, à savoir des cultures de cellules souches embryonnaires humaines, dont l'obtention impliquait, à la date de dépôt, l'utilisation puis la destruction d'embryons humains.La Division d'Examen a rejeté cette demande au motif que le jeu de revendications présenté ne satisfait pas à l'Article 53(a) CBE 1973, ensemble Règle 23d(c) CBE 1973 (maintenant R. 28(c) CBE), l'utilisation d'embryons humains comme produit de départ pour la génération de cultures de cellules souches embryonnaires humaines étant décrite dans la demande telle que déposée comme étant indispensable. Ainsi, dans le présent cas, l'utilisation d'un embryon humain correspond, de l'avis de la Division d'Examen, à une utilisation à des fins industrielles au sens de la Règle 23d(c) EPC 1973 (R. 28(c) CBE).Il reste à préciser que cette Règle 23d(c) CBE 1973 fait partie du chapitre VI « Inventions Biotechnologiques », introduit dans la Convention par la décision du Conseil d'Administration du 16 juin 1999 et entré en vigueur le 1er septembre 1999, afin d'intégrer le contenu de la Directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Aucune disposition transitoire n'a été prévue.Cette demande a été déposée le 19/01/1996, soit avant l'entrée en vigueur de la Règle 23d(c) EPC 1973. MotifsQuestion 1: La Règle 23d(c) CBE 1973 s'applique-t-elle aux demandes déposées avant son entrée en vigueur ?La Grande Chambre de Recours interprète (point 13) l'absence de disposition transitoire comme signifiant que cette règle interprétative doit être appliquée à toutes les demandes en instance. Au surplus, elle indique que cette règle n'exclut pas du domaine de la brevetabilité des objets qui étaient auparavant brevetables, et qu'il n'y a aucune indication que l'exploitation commerciale ou industrielle d'embryons humains aient été un jour considérées comme brevetables.Question 2 : Si la réponse à la question 1 est oui, la Règle 23d(c) CBE 1973 interdit-elle la brevetabilité de revendications portant sur des produits (dans le cas présent : des cultures de cellules souches embryonnaires humaines) qui – tels que décrits dans la demande – ne pouvaient être préparés à la date de dépôt que par un procédé impliquant nécessairement la destruction des embryons humains à partir desquels lesdits produits sont issus, si ledit procédé ne fait pas partie des revendications ?La Grande Chambre souligne (point 22) que cette règle ne mentionne pas les revendications, mais se réfère aux « inventions biotechnologiques » dans le contexte de leurs exploitations. Ainsi, il est non seulement nécessaire de s'intéresser au libellé explicite des revendications, mais encore à l'enseignement technique de la demande prise dans son ensemble quant à la manière dont l'invention doit être mise en oeuvre. La Grande Chambre de Recours en déduit que, dans le cas présent, l'invention rentre dans le champ d'interdiction de la Règle 23d(c) CBE 1973.La Grande Chambre ajoute (point 27) que les embryons étant détruits, l’invention n’a pas de caractère bénéfique pour ceux-ci, et donc l'utilisation des embryons n'est pas une utilisation à des fins thérapeutiques ou de diagnostic, mais a contrario une utilisation à des fins industrielles ou commerciales.Question 3 : Si la réponse à la question 1 ou 2 est non, l'Article 53(a) CBE interdit-il la brevetabilité de telles revendications ?La réponse aux deux questions précédentes étant oui, cette question est sans objet.Question 4 : Dans le contexte des questions 2 et 3, est-il pertinent que le même produit puisse être obtenu, après la date de dépôt, sans avoir à recourir à un procédé impliquant nécessairement la destruction d'embryons humains (dans le cas présent : par exemple par dérivation à partir de lignées de cellules embryonnaires humaines disponibles) ?La Grande Chambre rappelle (point 33) que, comme dans le cas d'une invention insuffisamment décrite dans la demande telle que déposée, on ne peut remédier à une non conformité à la Règle 23d(c) CBE 1973 par des développements techniques postérieurs à la date de dépôt. Le contraire conduirait à une insécurité légale pour les tiers et à nuire à un tiers qui proposerait, après la date de dépôt, une manière inoffensive de mettre en oeuvre l'invention.Elle précise enfin (point 35) que cette décision ne concerne pas la brevetabilité des cellules souches humaines de manière générale, mais les inventions relatives à des produits qui ne peuvent être obtenus que par une utilisation d'embryons humains, cette utilisation impliquant leurs destructions.Décision1. La Règle 28(c) CBE (anciennement Règle 23d(c) CBE 1973) s'applique à toutes les demandes en instance, y compris les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de cette règle.2. La Règle 28(c) CBE interdit la brevetabilité de revendications portant sur des produits qui – tels que décrits dans la demande – ne pouvaient être préparés à la date de dépôt que par un procédé impliquant nécessairement la destruction d'embryons humains à partir desquels lesdits produits sont issus, même si ledit procédé ne fait pas partie des revendications.3. Sans objet au vu des réponses aux questions 1 et 2.4. Dans le contexte de la réponse à la question 2, il n'est pas pertinent que les mêmes produits puissent être obtenus, après la date de dépôt, sans recourir à un procédé impliquant nécessairement la destruction d'embryons humains.