Dépôt d'un slogan à titre de marque

14.02.2010

La Cour de Justice des Communautés Européennes vient de rendre un nouvel arrêt relatif à l'enregistrement de slogans à titre de marques.



Dispositions légalesL'article 2 de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, prévoit que “peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots (...), à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises”.Lors de la transposition de cette directive, le législateur français a précisé, à l'article L711-1 du Code de la Propriété Industrielle, qu'un tel signe peut être constitué par un “assemblage de mots”, et donc notamment par un slogan publicitaire.La Cour de Justice des Communautés Européennes a déjà eu l'occasion de prendre position sur la validité de l'enregistrement de marques dont le signe est par ailleurs utilisé comme slogan publicitaire, et de préciser que celui-ci n'était pas exclu en raison d'une telle utilisation (Arrêts Mertz & Krell du 4 octobre 2001 et OHMI/Erpo Möbelwerk du 21 octobre 2004).Elle a également jugé, dans l'arrêt OHMI/Erpo Möbelwerk précité, que de telles marques ne doivent pas satisfaire à des critères plus strictes pour que leur caractère distinctif soit reconnu.Par conséquent, pour qu'une telle marque soit valablement enregistrée, elle doit remplir la fonction de la marque qui est d'identifier les produits et/ou services désignés comme provenant d'une entreprise déterminée de façon à les distinguer de ceux d'autres entreprises.Il peut néanmoins se révéler délicat d'apprécier le caractère distinctif de telles marques, raison pour laquelle l'arrêt de la Cour ici rapporté est particulièrement intéressant.Rappel des faitsDans la présente affaire, référencée C-398/08, la Cour statue sur un pourvoi formé contre un arrêt du TPICE en défaveur de la société allemande Audi AG, dont la demande d'enregistrement de la marque “Vorsprung durch Technik” (Avance par la Technique) avait été partiellement rejetée par l'Examinateur puis par la Chambre de recours de l'OHMI.Audi AG désignait dans sa demande d'enregistrement les “véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau” en classe 12, pour lesquels elle justifie d'un usage et l'OHMI a accordé l'enregistrement, ainsi qu'une multitude de produits non similaires à ceux-ci au sens du droit des marques et pour lesquels l'OHMI a rejeté la demande d'enregistrement.L'arrêt attaquéLe Tribunal, rappelant la jurisprudence mentionnée ci-dessus, constate tout d'abord que le signe en question représente un slogan à valeur laudative et publicitaire (points 34 et 35 de l'arrêt attaqué), et interprète la jurisprudence rappelée pour affirmer qu'un tel signe est “distinctif uniquement s'il peut être perçu d'emblée comme une indication de l'origine commerciale des produits ou des services visés” (point 37 de l'arrêt attaqué).  L'utilisation de l'expression “d'emblée” semble donc constituer pour le Tribunal une condition supplémentaire pour reconnaître le caractère distinctif d'un slogan.Dans un second temps, le Tribunal analyse le slogan pour en déduire qu'il peut “avoir plusieurs significations, constituer un jeu de mots ou être perçue comme fantaisiste, surprenante et inattendue et, par là même, être mémorisable” (points 41 et 42 de l'arrêt attaqué).Paradoxalement, le Tribunal conclut que ces différents éléments n'empêchent pas le public concerné, dont la détermination est un autre point intéressant du présent arrêt, de percevoir effectivement le signe “avant toute chose comme une formule promotionnelle”, et rejette pour ce motif le recours de Audi AG.Appréciation de la CourLa Cour sanctionne le Tribunal, d'une part, sur l'interprétation qu'il fait de la jurisprudence et, d'autre part, sur l'apparente contradiction dans son raisonnement.Elle rappelle en premier lieu que rien ne justifie de fixer “des critères spécifiques suppléant ou dérogeant au critère du caractère distinctif tel qu'inteprété dans la jurisprudence rappelée”, allant ainsi contre l'interprétation du Tribunal imposant que le signe soit perçu “d'emblée” comme une indication de l'origine des produits ou des services.La Cour va plus loin et poursuit en soulignant “que, pour autant que ce public perçoit la marque comme une indication de [l']origine [des produits ou des services], le fait qu'elle soit simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif”.La contradiction entre les constatations du Tribunal sur la présence d'éléments qui pourraient “permettre au public concerné de mémoriser facilement et immédiatement l'expression en tant que marque distinctive”, et la conclusion qu'il en tire, est également relevée par la Cour, laquelle indique en outre que “si l'existence de telles caractéristiques [...] ne constitue pas une condition nécessaire pour établir le caractère distinctif d'un slogan publicitaire, il n'en demeure pas moins que leur présence est en principe de nature à conférer à celui-ci un tel caractère”.Dans le cas d'espèce, la Cour estime que le message ne découle pas de manière évidente du slogan, ce dernier témoignant “d'une certaine originalité et prégnance qui le rendent facilement mémorisable”, et constate également qu'il est renommé à la suite de l'usage qui en a été fait par Audi, sur plusieurs années, pour la publicité de ses véhicules. Elle ajoute également que l'on ne peut exclure “le fait que le public concerné soit habitué à établir le lien entre ce slogan et les automobiles fabriquées par cette société facilite également l'identification par ce public de l'origine commerciales des [autres] produits ou services désignés”.La Cour annule par conséquent l'arrêt du Tribunal ainsi que la décision de la chambre de recours en ce qu'elle a partiellement rejeté la demande d'enregistrement d'AUDI AG.ConclusionUn slogan publicitaire peut constituer un signe distinctif au regard des produits qu'il désigne, le caractère distinctif pouvant notamment être déduit du fait que :- le demandeur en a fait un usage lui permettant d'acquérir ce caractère distinctif ; et/oule slogan présente une certaine originalité et prégnance qui le rendent facilement mémorisable.Il convient d'attirer l'attention des demandeurs sur ce dernier point : si le slogan peut être qualifié d'original, il est possible qu'il soit également couvert par un droit d'auteur, auquel cas il est nécessaire d'obtenir l'autorisation de l'auteur avant tout dépôt.