Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 21 avril 2023, 21/05529

02.10.2023

Inventions de salariés, L. 611-7 CPI, classification de l'invention



M. Y a été engagé par la société X en qualité de « vice-président innovation produits jeux vidéo ».  La société X indique qu'au début de l'année 2013, elle travaillait à l'amélioration d’une technologie intitulée «'dispositif pour la polarisation d'une séquence vidéo à visionner en stéréoscopie’ » afin de mettre au point un produit satisfaisant et qu'elle a associé M. Y, nouvellement recruté, à cette réflexion.
Une demande de brevet français FR 13 54854, intitulée « Dispositif de polarisation optique pour un projecteur d'images stéréoscopiques » est ensuite déposée par la société X le 29 mai 2013 citant comme co-inventeurs M. Y et 2 autres inventeurs. Ce brevet a été délivré le 26 juillet 2019.
La société X indique que des discussions ont eu lieu avec les trois inventeurs quant à leurs rémunérations supplémentaires et que des accords ont été conclus . Ces accords prévoyaient tous une répartition de l'apport inventif de 5% pour M. Y. La société X précise qu'une proposition de rémunération supplémentaire de 0,5% du montant du chiffre d'affaires annuel consolidé réalisé à partir de la vente des produits brevetés a été faite à M. Y qui l'a refusée.
Le jugement dont appel a notamment dit que l'invention constitue une invention hors mission attribuable de M. Y et fixé la créance de M. Y au passif de la société X à la somme de 150 000 euros au titre du juste prix.
L'article L. 611-7, 1° du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail ».
M. Y demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'en l'absence de mission d'étude ou de recherche lui ayant été confiée par la société X et ayant conduit à l'invention, celle-ci ne peut être considérée comme une invention de mission au sens de l'article L. 611-7, 1° du code de la propriété intellectuelle.
Il ne conteste pas que son contrat de travail comportait une mission inventive mais prétend que l'invention n'entrait pas dans l'exécution d'une mission inventive correspondant à ses fonctions effectives dès lors qu'il a été engagé en qualité de "Vice-President Product Innovation Gaming" (Vice-Président innovation produits jeux vidéo).
La société X fait valoir, quant à elle, que la contribution de M. Y à l'invention s'inscrit dans la mission de développement de systèmes de traitements d'image lié à la stéréoscopie qui lui a été confiée par son contrat de travail.
L'invention porte sur un «'dispositif de polarisation optique pour un projecteur d'images stéréoscopiques' ».
Les caractéristiques techniques de l'invention concernent un traitement d'images lié à la stéréoscopie.
L'invention s'inscrit dès lors dans le domaine de compétence et dans la mission confiée à M. Y au titre de son contrat de travail et en particulier du « Développement de traitements d'image liés à la stéréoscopie » qui lui était expressément confié.
De plus, le brevet ne se limite pas au cinéma comme l'affirme M. Y mais couvre de manière générale la projection d'images stéréoscopiques sans aucune restriction à un secteur particulier. Le terme cinéma n'est d'ailleurs jamais utilisé dans le texte du brevet.
En outre, la fonction de M. Y telle que définie dans son contrat de travail ne se limite pas, s'agissant du développement de traitements d'image liés à la stéréoscopie, au domaine du jeu vidéo mais ses compétences dans le domaine de la stéréoscopie peuvent être sollicitées par son employeur dans le cadre d'une recherche qui ne serait pas exclusivement tournée sur les jeux vidéo.
Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont qualifié l'invention dénommée « Dispositif de polarisation optique pour un projecteur d'images stéréoscopiques' » d'invention hors mission attribuable de M. Y.
L'invention est une invention de mission appartenant de fait en pleine propriété à la société X et M. Y sera donc débouté de l'intégralité de ses demandes étant précisé qu'il ne forme aucune demande, à titre subsidiaire, quant au paiement d'une rémunération supplémentaire liée à une invention de mission.