COUR DE CASSATION – 19/03/2025 - Pourvoi n° Q 23-20.000 – CCP

CCP, règlement (CE) n° 469/2009, AMM, articles L. 411-4 et R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle, C-650/17


COUR DE CASSATION – 19/03/2025 - Pourvoi n° Q 23-20.000 – CCP
La société X a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Paris, dans le litige l'opposant au Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
Selon l'arrêt attaqué, le 14 novembre 2017, la société X a, sur le fondement du règlement (CE) n° 469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, déposé une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° 17C1045, portant sur le produit atézolizumab.
Cette demande était formulée sur la base d'un brevet européen déposé le 23 août 2000, publié sous le numéro EP1210424 (le brevet EP 424) et délivré le 7 février 2007 sous le titre « Nouvelles molécules B7-4 et leurs utilisations », sous priorité d'un brevet américain du 23 août 1999. Ce brevet porte sur la découverte de nouvelles molécules, les protéines B7-4 (appelées plus tard PD-L1), qui sont utiles pour moduler la réponse immunitaire, menant à une nouvelle façon de traiter le cancer appelée « immunologie du cancer ». En ses revendications 17 et 27, le brevet revendique les anticorps susceptibles de se lier auxdites protéines.
La demande de CCP faisait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire octroyée le 21 septembre 2017 qui a pour principe actif l'atézolizumab, un anticorps monoclonal humanisé se liant à la protéine PD-L1.
Par décision du 13 juillet 2021, le Directeur Général de l'INPI a rejeté la demande de CCP au motif qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009.
La société X a formé un recours contre cette décision.
Il résulte des articles L. 411-4 et R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle que le recours formé contre une décision du Directeur Général de l'INPI à l'occasion de la délivrance de titres de propriété industrielle, tel un CCP, est un recours en annulation, sans effet dévolutif. Par conséquent, la cour d'appel saisie d'un recours contre une telle décision doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise.
Le Directeur Général de l'INPI, après avoir retenu que le brevet de base ne contenait aucune indication permettant de considérer que l'atézolizumab y était visé de manière spécifique, a indiqué que, pour déterminer si le produit pouvait y être identifié de façon spécifique par la personne du métier, il convenait d'avoir uniquement égard à l'état de la technique à la date du dépôt ou à la date de priorité du brevet de base à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet de base et a retenu que, contrairement à l'assertion de la demanderesse, les passages cités de la description du brevet ne contenaient pas d'informations suffisantes pour permettre à la personne du métier d'identifier spécifiquement l'atézolizumab à la date de dépôt du brevet de base.
Répondant aux arguments de la société X critiquant ce motif, l'arrêt relève que le brevet de base expose deux techniques pour générer des anticorps murins ou humains, celle du phage display et celle des hybridomes, mais retient qu'il n'est pas explicite sur l'ensemble des étapes nécessaires pour aboutir à l'identification spécifique de l'atézolizumab dont il n'est pas démontré qu'il s'agit, pour la personne du métier de simples opérations de routine, même longues et fastidieuses.
Dès lors, la cour d'appel, qui, comme le Directeur Général de l'INPI, a fondé sa décision sur le constat qu'en l'état de la technique à la date de priorité du brevet EP 424, l'atézolizumab n'était pas spécifiquement identifiable par la personne du métier, n'a pas méconnu l'absence d'effet dévolutif du recours formé devant elle.
Le moyen n'est donc pas fondé.
Dans son arrêt du 30 avril 2020, Royalty Pharma Collection Trust (C-650/17), la Cour de justice de l'Union européenne, interprétant l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, a dit pour droit qu' « un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ».
Ainsi, l'objet du CCP concerné doit être compris dans les limites de ce que la personne du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt ou de priorité du brevet de base, de déduire directement et sans équivoque du fascicule de ce brevet tel qu'il a été déposé, en se fondant sur ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité et à la lumière de l'état de la technique à cette même date.
Après avoir relevé que les revendications du brevet EP 424 visent un anticorps qui se lie de manière sélective à l'antigène donné et que le brevet vise des méthodes pour parvenir à l'identification de tels anticorps ainsi que des exemples pour générer des anticorps murins ou entièrement humains, l'arrêt retient que le demandeur procède par voie de simple affirmation pour dire que la personne du métier pouvait parvenir à l'identification de l'atézolizumab, anticorps humanisé, au vu des enseignements du brevet et sur la base de l'état de la technique. Il relève que de très nombreux anticorps peuvent se lier à l'antigène concerné, sans être identifiables à la date de priorité du brevet et que l'atézolizumab possède des caractéristiques différentes de celles d'autres anticorps ayant la même fonction de se lier à la protéine B7-4.
En cet état, la cour d'appel a pu retenir que l'atézolizumab n'était pas spécifiquement identifiable par la personne du métier à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet EP 424, sur la base de ses connaissances générales et de l'état de la technique dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité de ce brevet.
La Cour rejette le pourvoi.