L’action en déclaration de non-contrefaçon est une possibilité offerte par le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) aux industriels de bonne foi qui souhaitent s’assurer qu’une activité actuelle ou envisagée ne présente pas de caractère contrefaisant au regard d’un brevet et donc n'expose pas à de possibles actions en contrefaçon. L’Article L615-9 CPI en énonce les conditions de fond et de forme comme suit :
« Toute personne qui justifie d'une exploitation industrielle sur le territoire d'un État membre de la Communauté économique européenne ou de préparatifs effectifs et sérieux à cet effet peut inviter le titulaire d'un brevet à prendre parti sur l'opposabilité de son titre à l'égard de cette exploitation dont la description lui est communiquée.
Si ladite personne conteste la réponse qui lui est faite ou si le titulaire du brevet n'a pas pris parti dans un délai de trois mois, elle peut assigner ce dernier devant le tribunal pour faire juger que le brevet ne fait pas obstacle à l'exploitation en cause, et ce, sans préjudice de l'action en nullité du brevet et d'une action ultérieure en contrefaçon dans le cas où l'exploitation n'est pas réalisée dans les conditions spécifiées dans la description visée à l'alinéa précédent ».
En ce qui concerne le demandeur, il est nécessaire qu'il justifie d'une « exploitation industrielle » ou de « préparatifs effectifs et sérieux à cet effet ». Une telle exploitation doit se comprendre au sens d'une fabrication et non au sens d'une commercialisation (« l'action n'est pas ouverte à celui qui ne fait que commercialiser des produits importés », <link http: www.sedlex.fr wp-content uploads b19980198.pdf>Tribunal de Grande Instance de Paris (TGI), 3e ch., 1re sect., 28 octobre 1998).
Quant aux « préparatifs effectifs et sérieux », ils doivent avoir pour but ladite exploitation industrielle et non la simple distribution (<link http: www.sedlex.fr wp-content uploads b19980198.pdf>TGI de Paris, 3e ch., 3e sect, 14 janvier 2009). De plus, la jurisprudence précise que le dépôt d'une demande d'Autorisation de Mise sur le Marché pour un médicament ne suffit pas à établir l'existence de préparatifs sérieux d'exploitation car s'agissant d'une formalité administrative, il peut y être renoncé à tout moment (TGI de Paris , <link http: www.sedlex.fr wp-content uploads b19980198.pdf>3e ch., 3e sect, 16 mars 1999).
L'Article 615-9 CPI délimite également le territoire des activités du demandeur, en l'occurrence la Communauté Économique Européenne (CEE). Une société implantée en dehors de ses États membres sera donc irrecevable à agir.
Enfin, l'action en déclaration de non-contrefaçon n'est ouverte qu'à l'égard du titulaire du brevet et non du licencié quand bien même il serait licencié exclusif.
L'action en déclaration de non contrefaçon se décompose en deux phases : un phase amiable et une phase judiciaire.
La phase amiable préalable qui doit être respectée consiste à inviter le titulaire à prendre parti sur l'opposabilité de son titre. Pour ce faire, le demandeur doit lui communiquer la description de l'exploitation industrielle entreprise ou envisagée. La description doit être aussi exacte et précise que possible. La décision du TGI de Paris du 12 février 2012 (3è ch., 1re sect.) vient rappeler que le demandeur ne peut se contenter de procéder par allusion à ce que les parties sont censées connaître ou devraient connaître. En l'espèce, le courrier qui avait été envoyé au titulaire ne précisait pas les spécificités de ses produit par rapport aux revendications du brevet. Il ne pouvait alors s'agir d'une invitation à prendre parti sur l'opposabilité du brevet. La décision conclut à l'irrecevabilité puisque le demandeur « ne met pas le titulaire du brevet en position de prendre parti et lui impose de spéculer sur ce que l'éventuel contrefacteur va lui opposer ».
Le titulaire dispose d'un délai de trois mois pour répondre. Sera déclarée irrecevable une action engagée auprès du tribunal dans ce délai de trois mois et tant que le titulaire n'a pas manifesté sa position de manière irrévocable et non ambiguë.
Si le breveté a engagé une action en contrefaçon en France contre le demandeur à l’action, la jurisprudence considère dans ce cas qu'il s'est déjà prononcé sur l'opposabilité de son titre. La phase amiable n'a plus lieu d'être. En revanche, l'existence à l'étranger d'un litige en contrefaçon impliquant les mêmes parties pour un même produit ne dispense pas de la phase amiable en ce qui concerne la France. Une telle justification se fonde sur l'Article 4bis 1) de la Convention de l'Union de Paris définissant l'indépendance des brevets obtenus pour la même invention dans différents pays, adhérents ou non à l'Union de Paris, chacun d'eux faisant l'objet d'une appréciation indépendante quant à leur validité et leur portée (TGI de Paris , <link http: www.sedlex.fr wp-content uploads b19980198.pdf>3e ch., 3e sect, 16 mars 1999).
Si le demandeur conteste la réponse qui lui est faite ou si le titulaire du brevet n'a pas pris position dans le délai de trois mois, il peut assigner ce dernier devant le tribunal pour faire juger que le brevet ne fait pas obstacle à l'exploitation en cause.
L'action doit être initiée par assignation à titre principal mais il est admis qu'elle puisse l'être par voie de conclusions dans le cadre d'une demande reconventionnelle à une action principale en contrefaçon. Cependant, sous peine d'irrecevabilité, il est nécessaire d'établir un lien suffisant entre l'action en déclaration de non-contrefaçon, qui est de nature déclaratoire et sans effet sur la validité, et la demande initiale, ce qui n'est pas le cas lorsque l’action principale initiale est une action en nullité de brevet, poursuivant un objectif différent car ayant pour vocation de contester la validité du titre (TGI de Paris, 13 mars 2015, 3è ch, 3è section).
L'action en déclaration de non-contrefaçon présente un caractère à double tranchant puisque si d'une part elle permet de faire constater l'absence de contrefaçon, elle conduit d'autre part à désigner le demandeur aux yeux du titulaire comme un contrefacteur potentiel ou réel et par conséquent déclenche souvent une action en contrefaçon par le titulaire. D'autant plus que l'Article 615-9 CPI dispose qu'une telle action est « sans préjudice […] d'une action ultérieure en contrefaçon ».
Par ailleurs, elle impose au demandeur à l'action l'obligation de fournir la description précise de son procédé/produit à son concurrent.
Néanmoins, en cas d'absence de contrefaçon énoncée par le titulaire ou décidée par le juge, le demandeur se verra libre de continuer sereinement son exploitation, à la condition toutefois de ne pas s'écarter du produit tel que décrit.
Enfin, l'action au sens de l'Article 615-9 CPI peut se révéler avantageuse vis-à-vis d'un brevet délivré par l'Office Européen des Brevets (OEB). En effet, l'Article 105 de la Convention sur le Brevet Européen (CBE) stipule au point (1) que « Tout tiers peut, après l'expiration du délai d'opposition, intervenir dans la procédure d'opposition conformément au règlement d'exécution, à condition qu'il apporte la preuve […] b) qu'après avoir été requis par le titulaire du brevet de cesser la contrefaçon alléguée de ce brevet, il a introduit une action tendant à faire constater qu'il n'est pas contrefacteur ». Le point (2) précise alors qu'une « intervention recevable est assimilée à une opposition ». Ainsi, l'action en déclaration de non-contrefaçon entre dans le champ de l'Article 105 CBE et permet l'intervention du contrefacteur présumé dans une procédure d'opposition devant l'OEB, sachant qu'une telle procédure d'opposition peut aboutir à la révocation du brevet ou à son maintien sous forme modifiée, de telle sorte que le contrefacteur présumé se retrouverait dans une situation plus favorable quant à l’exploitation de son activité.