COUR DE CASSATION – 24/04/2024 – Pourvoi n° D 22-22.999

05.07.2024

Inscription au registre des brevets, faits distincts contrefaçon concurrence déloyale



COUR DE CASSATION – 24/04/2024 – Pourvoi n° D 22-22.999 – Recevabilité de l’action en contrefaçon pour des faits antérieurs à l’inscription d’une cession au RNB
Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 septembre 2022), la société X1 a déposé trois brevets européens désignant la France, lesquels protègent diverses fonctionnalités d’une manette de console.
La propriété de ces brevets a été cédée, au terme d'une scission-création achevée le 1er avril 2010, à une nouvelle société X2, aux droits de laquelle vient, à la suite d'un changement de dénomination, la société X3.
Cette cession a été inscrite au registre national des brevets le 28 juin 2018.
Entre-temps, le 14 décembre 2016, la société X3 avait été autorisée à faire réaliser des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Y, qu'elle soupçonnait de contrefaire la partie française de ses brevets. Le 16 janvier 2017, la société X3, en qualité de propriétaire des brevets, et les sociétés X3 Europe et X3 France, qui les exploitent en France, avaient assigné la société Y en contrefaçon, ainsi qu'en concurrence déloyale.
Selon l'article L. 613-9, premier alinéa, du code de la propriété intellectuelle, tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur le registre national des brevets tenu par l'Institut national de la propriété industrielle.
Vu les articles L. 613-9, premier alinéa, et L. 615-2, premier alinéa, du code de la propriété intellectuelle, et l'article 126 du code de procédure civile :
Tant que le transfert n'a pas été inscrit au registre national des brevets, l'ayant cause ne peut se prévaloir des droits découlant de l'acte lui ayant transmis la propriété du brevet. Il n'est donc pas recevable à agir en contrefaçon.
A compter de l'inscription au registre du transfert de la propriété du brevet, l'ayant cause est recevable à agir en contrefaçon aux fins d'obtenir réparation du préjudice que lui ont causé les faits commis depuis le transfert ainsi que, si l'acte transmettant les droits le spécifie, du préjudice que lui ont causé les faits commis avant le transfert.
Pour dire irrecevable l'action en contrefaçon des sociétés X3 et X3 Europe, l'arrêt énonce que si, comme le prévoit l'article 126 du code de procédure civile, la fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée en cours d'instance, cette régularisation ne peut avoir effet que pour les actes commis postérieurement à l'inscription.
En statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Vu l'article 1240 du code civil :
Il résulte de ce texte que l'action en concurrence déloyale peut se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution d'un droit privatif ou pour inopposabilité du droit privatif aux tiers.
Pour rejeter les demandes de la société X3 France fondées sur la concurrence déloyale, l'arrêt retient que les demandes fondées sur la contrefaçon des brevets européens ont été considérées irrecevables et que la société X3 France n'invoque pas de faits distincts de la contrefaçon.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour CASSE ET ANNULE, en ce qu'il confirme le jugement entrepris en tant que celui-ci a déclaré la société X3 et la société X3 Europe irrecevables en leur action en contrefaçon des brevets européens n° 0 867 212, n° 0 834 338 et n° 1 331 974, débouté la société X3 France de l'intégralité de ses demandes.