Cour d’appel de Paris - 12 janvier 2024 - Pôle 5 - Chambre 2 (n°4) - 22/16673

25.03.2024

CCP, Teva /Gilead , C121-17, C-650/17, Règlement 469/2009



Cour d’appel de Paris - 12 janvier 2024 - Pôle 5 - Chambre 2 (n°4) - 22/16673
La société X est titulaire du brevet européen désignant la France EP 1 412 357 (EP 357).
Le brevet EP 357 couvre des composés utiles dans le traitement et la prévention de maladies telles que le diabète et en particulier le diabète de type 2.
Une première autorisation de mise sur le marché (AMM) avec pour seul principe actif le phosphate monohydraté de sitagliptine (sitagliptine) a été accordée, qui a donné lieu à un CCP (CCP 041).
Une seconde a été accordée pour la combinaison de phosphate monohydraté de sitagliptine et de chlorydrate de metformine, qui a donné lieu à un CCP (CCP 033) délivré antérieurement au CCP 041.
La société X a mis en demeure la société Y de ne pas mettre sur le marché des produits génériques qui porteraient atteinte aux CCP 033 et 041 toujours en vigueur.
La société Y a répondu qu’elle considère que le CCP de combinaison couvrant la sitagliptine et la metformine est nul.

Sur la contestation de la validité du CCP 033
La société Y conteste que la combinaison de sitagliptine et de metformine puisse constituer une combinaison de principe actif constituant un « produit » protégé par le brevet de base. Elle soutient que le test en deux volets préconisé par la décision Teva /Gilead de la CJUE (25 juillet 2018 C-121/17) doit s'appliquer quand bien même le produit serait explicitement mentionné dans les revendications. Elle prétend que la décision postérieure de la CJUE rendue dans l'affaire Royal Pharma (30 avril 2020 C-650/17) ne permet pas de contredire cette nécessité.
La cour rappelle que la grande chambre de la CJUE dans l'affaire Teva/Gilead, a dit pour droit :
« L'article 3, sous a), du règlement (CE) n°469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu'un produit composé de plusieurs principes actifs ayant un effet combiné est « protégé par un brevet de base en vigueur », au sens de cette disposition, dès lors que la combinaison des principes actifs qui le composent, même si elle n'est pas explicitement mentionnée dans les revendications du brevet de base, est nécessairement et spécifiquement visée dans ces revendications ».
La CJUE dans l'affaire Royal Pharma a précisé le sens de la décision de Gilead en indiquant :
« Aux fins de vérifier si un produit donné est protégé par un brevet de base en vigueur, il convient de vérifier, lorsque ce produit n'est pas explicitement mentionné dans les revendications de ce brevet, si ledit produit est nécessairement et spécifiquement visé dans l'une de ces revendications ».
A la lecture des arrêts Gilead et Royal Pharma, il apparait que le test préconisé afin de déterminer si le produit est protégé par un brevet de base en vigueur n'est nécessaire que lorsque ce produit n'est pas explicitement mentionné dans les revendications du brevet de base. Il en résulte que la CJUE n'impose pas que la combinaison revendiquée figure dans une seule revendication citant tous les composés de la combinaison.
En l'espèce, chaque composé de la combinaison est individuellement et expressément visé par au moins une revendication du brevet de base. La combinaison de ces principes actifs est également explicitement prévue par les revendications 25 et 30.
La contestation élevée par la société Y sur le fondement de l'article 3 a) n'apparaît pas suffisamment sérieuse pour contester la protection du titre opposé.

Au regard de l'article 3 c) du Règlement CE n°469/2009
Selon l'article 3 sous c) du Règlement, le CCP peut être délivré valablement si « le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat ».
La particularité de la présente procédure ayant conduit pour la France à la délivrance de deux CCP provient de ce que le CCP sollicité en premier (le CCP 041, sitagliptine) a été délivré postérieurement au CCP sollicité en second (le CCP 033, combinaison de sitagliptine et de chlorydrate de metformine).
Le texte précité, qui est clair et n’appelle pas d’interprétation, vise un « certificat », et non des demandes déposées ou en cours d'examen, et dès lors un CCP délivré. Le CCP 033 a été délivré avant le CCP 041 et ne peut ainsi être annulé du fait de la demande antérieure ayant conduit postérieurement à la délivrance du CCP 041.

Au regard de la validité du brevet EP 357
La société Y soutient que la validité du CCP 033 est contestable, car le brevet EP 357 est nul au regard du défaut d'activité inventive, au motif que l'effet thérapeutique de la sitagliptine ne serait ni démontré par le brevet, ni même plausible.
La société Y ne démontre aucunement en quoi l'homme du métier serait amené à croire que les tests décrits dans la partie descriptive n'auraient pas été effectués ou qu'ils n'auraient pas abouti aux résultats décrits. La société Y qui reproche à la société X de n'apporter aucun élément pour prouver un effet crédible de la sitagliptine à la date de priorité, opère ainsi un renversement de la charge de la preuve.
La contestation du CCP 033 reposant sur la nullité du brevet de base n'apparaît pas suffisamment sérieuse pour remettre en cause la protection du titre.

La cour, confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et rejette la demande de la société Y de condamnation pour exécution de la mesure d'interdiction.