Cour de Cassation, ch. Com., 31 janvier 2024, pourvoi n° B 22-18.374

23.04.2024

CCP, AMM, C-650/17, Règlement n° 469/2009




Selon l'arrêt attaqué, le 14 novembre 2017, la société X a déposé une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° 17C1046, portant sur le produit avelumab.
Cette demande était formulée sur la base d'un brevet européen (EP 424). Ce brevet porte sur la découverte de nouvelles molécules, les protéines B7-4 (appelées plus tard PD-L1), qui sont utiles pour moduler la réponse immunitaire, menant à une nouvelle façon de traiter le cancer appelée « immunologie du cancer ». Le brevet revendique les anticorps susceptibles de se lier avec lesdites protéines en ses revendications 17 et 27.
La demande de CCP faisait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire octroyée le 18 septembre 2017 à la société Y, pour une spécialité pharmaceutique dénommée « Bavencio », qui a pour principe actif l'avelumab, qui est un anticorps monoclonal humain se liant à la protéine PD-L1.
Par décision du 3 février 2021, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a rejeté la demande de CCP au motif qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions de l'article 3, sous a), du règlement n° 469/2009.
La société X a formé un recours contre cette décision.
Dans son arrêt du 30 avril 2020, Royalty Pharma Collection Trust (C-650/17), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date. L'article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 doit être interprété en ce sens qu'un produit n'est pas protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsque, bien que relevant de la définition fonctionnelle donnée dans les revendications de ce brevet, il a été développé après la date de dépôt de la demande du brevet de base, au terme d'une activité inventive autonome.»
Dans sa décision du 3 février 2021, le directeur général de l'INPI a retenu qu'aucune revendication du brevet EP 424 ne mentionnait le produit avelumab et que, compte tenu du grand nombre d'anticorps répondant à la définition fonctionnelle des revendications, ce produit ne pouvait pas être visé de manière nécessaire et spécifique par ce brevet, dont aucune indication ne permettait de considérer que le produit y était visé de manière spécifique, puisqu'il n'était nullement spécifié dans la description et qu'il n'y était pas identifiable en tant que tel. Il a ajouté qu'il n'était pas démontré que l'avelumab pouvait être identifié de façon spécifique par la personne du métier à la date du dépôt du brevet de base et que, contrairement aux arguments de la société X, les informations divulguées dans le brevet de base relatives aux procédés de production des protéines B7-4, leur utilisation comme agent immunogène pour la fabrication d'anticorps, les procédés d'évaluation fonctionnelle desdits anticorps et les moyens pour humaniser un anticorps anti-B7-4, étaient insuffisantes pour permettre à  la personne du métier d'identifier spécifiquement l'avelumab à la date de dépôt du brevet de base.
En premier lieu, après avoir constaté que l'avelumab, principe actif objet de la demande de CCP, est un anticorps monoclonal humain qui se lie à un polypeptide B7-4, appelé aussi antigène PD-L1, pour moduler la réponse immunitaire et traiter le cancer, l'arrêt retient que ce produit relève ainsi de la définition fonctionnelle contenue dans les revendications 17 et 27 du brevet EP 424, de sorte qu'il est implicitement mais nécessairement visé par ce brevet.
Se référant aux directives de l'Office européen des brevets (OEB), ainsi qu'à une décision rendue par la chambre de recours de cet office, l'arrêt retient que lorsque l'antigène ciblé est déjà connu, la découverte d'un anticorps se liant avec cet antigène ne procède d'aucune activité inventive, dès lors que les méthodes pour la génération et l'identification d'un tel anticorps constituent des techniques de routine pour la personne du métier à la date de priorité, faisant ainsi ressortir que la découverte d'un nouvel anticorps qui se lie à un antigène connu n'implique pas nécessairement d'activité inventive autonome, même en présence d'une réactivité croisée inter-espèces.
De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a constaté que le brevet EP 424 mentionnait des méthodes pour la génération et l'identification d'un anticorps dirigé contre un antigène donné, a pu déduire que l'anticorps monoclonal humain avelumab était spécifiquement identifiable à la lumière des enseignements dudit brevet par la personne du métier, par des essais de routine connus et maîtrisés et qu'il relevait en conséquence de l'objet de la protection du brevet au sens de l'article 3, sous a) du règlement n° 469/2009.
En second lieu, l'arrêt relève que le fait que la société Y, licenciée du brevet de base, ait déposé un brevet américain concernant des anticorps anti PD-L1, couvrant notamment l'avelumab, ne suffit pas à démontrer que l'avelumab a été développé au terme d'une activité inventive autonome et retient que la durée des recherches ayant conduit le licencié du brevet de base à découvrir l'avelumab ne suffit pas non plus à rapporter la preuve d'une activité inventive.
La cour d'appel a estimé que l'INPI ne rapportait pas la preuve qui lui incombait que l'avelumab avait été développé au terme d'une activité inventive autonome.
Le moyen n'est donc pas fondé.
La Cour rejette le pourvoi.