Cour de cassation, ch. com., 1er février 2023, pourvoi n° 21-22.225

28.03.2023

Saisie-contrefaçon, procédure de placement sous séquestre provisoire selon R615-2 CPI et R153-1 CC



La société X est titulaire du brevet européen EP 3027186 (EP 186), issu d'une demande internationale WO 2015/0154A7 déposée le 29 juillet 2014. Ce brevet, portant sur un procédé de préparation d'une composition stérile et injectable comprenant un gel d'acide hyaluronique et un anesthésiant local, le chlorhydrate de mépivacaïne, a été délivré le 19 juin 2019. Le 9 octobre 2019, la société Y a assigné la société X en annulation des revendications 1 à 4 de la partie française du brevet européen EP 186.
Au soutien de cette action, la société Y exposait commercialiser une composition constituée notamment d'un gel associant de l'acide hyaluronique et de la mépivacaïne mettant en œuvre son brevet EP 3049091 déposé le 23 décembre 2014 et délivré le 4 janvier 2017. Soutenant que ce produit contrefaisait son brevet EP 186, la société X a obtenu, sur requêtes, deux ordonnances du 7 janvier 2020, l'autorisant à faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Y et dans une unité de production de cette société.
La société Y a assigné la société X devant le juge ayant autorisé les opérations de saisie-contrefaçon en rétractation des deux ordonnances et, subsidiairement, afin que soient déterminées les modalités de divulgation des pièces saisies.
La société Y fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rétractation des ordonnances RG 20/00009 et 20/00010 du 7 janvier 2020.
Il résulte de l'article 845, alinéa 3, du code de procédure civile, que les requêtes afférentes à une instance en cours relèvent de la seule compétence du président de la chambre saisie ou à laquelle l'affaire a été distribuée ou au juge déjà saisi.
Il ressort de l'arrêt attaqué que, dans ses conclusions, la société Y a soulevé une fin de non-recevoir, tirée du défaut de pouvoir du président de la chambre à laquelle l'affaire avait été distribuée, avant de développer une défense au fond.
Il s'en déduit qu'elle n'est pas recevable à soulever, pour la première fois, devant la Cour de cassation, sous le couvert d'une violation de l'article 845, alinéa 3, du code de procédure civile, l'incompétence de ce magistrat.
La cour d’appel a considéré qu’une procédure spécifique de placement sous séquestre provisoire est prévue aux articles R. 615-2, dernier alinéa, du code de la propriété intellectuelle et R. 153-1 du code de commerce, mais qu’une telle procédure est facultative et que le juge n'est pas tenu d'y recourir. La cour relève que c'est le choix fait par le magistrat qui a décidé de prononcer la mesure, différente et plus protectrice du saisi, de placement sous scellés des pièces de nature à violer le secret des affaires.
En statuant ainsi, alors qu'afin d'assurer la protection du secret des affaires de la partie saisie, le président, statuant sur une demande de saisie-contrefaçon, ne peut que recourir, au besoin d'office, à la procédure spéciale de placement sous séquestre provisoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
En vertu de l'article R. 615-2, dernier alinéa, du code de la propriété intellectuelle, le président qui autorise une mesure de saisie-contrefaçon peut prononcer le placement sous séquestre provisoire des documents saisis pour assurer le respect du secret des affaires.
Le juge a autorisé la saisie réelle ou par voie de photocopie ou de photographie de documents « sous réserve de placement sous scellés en cas d'atteinte au secret des affaires ». Cependant, à compter de l'entrée en vigueur du décret n° 2018-1126 du 11 décembre 2018, le placement sous séquestre provisoire était la seule mesure pouvant être prononcée pour garantir le secret des affaires du saisi.
Il y a donc lieu d'ordonner la rétractation partielle de ces ordonnances, en ce qu'elles ont ordonné le placement sous scellés des documents saisis en cas d'atteintes au secret des affaires.