L'affaire Festo

03.01.2001


Selon la Cour d'Appel du Circuit Fédéral des Etats-Unis (US Court of Appeals for the Federal Circuit), l'étude de la procédure de délivrance du brevet (prosecution history estoppel) permet de déterminer la portée des revendications d'un brevet et l'application possible de la doctrine des équivalents pour juger une contrefaçon. La contrefaçon par équivalence a été définie aux Etats-Unis par la Cour Suprême : il y a contrefaçon par équivalence d'un produit/procédé revendiqué si les différences entre le produit/procédé revendiqué ne sont pas substantielles.
Cette différence non substantielle est établie par exemple lorsque la fonction est sensiblement la même, selon une manière sensiblement identique, pour un résultat sensiblement identique.
Cette doctrine des équivalents doit être appliquée non pas à la revendication dans son ensemble, mais élément par élément (all elements rule).

La doctrine des équivalents ne doit cependant pas permettre d'étendre la portée des revendications.

Ainsi, une variante décrite dans le brevet mais non couverte par les revendications ne sera pas protégée grâce aux équivalents. De même, si au cours de la procédure de délivrance, le demandeur a limité la portée d'une revendication pour prendre en compte un document de l'art antérieur, il ne peut pas utiliser les équivalents pour retrouver la portée initiale de sa revendication.

L'estoppel de procédure (prosecution history estoppel)
  • Modification des revendications en réponse à l'Examinateur

Toute limitation des revendications au cours de la procédure est considérée comme un abandon de la part du demandeur. Il lui sera impossible de protéger par la doctrine des équivalents un produit/procédé qui était couvert par sa revendication non modifiée mais qui ne l'est plus par la revendication modifiée délivrée.

  • Arguments fournis à l'Examinateur en cours de procédure

Le demandeur peut également répondre à l'Examinateur en présentant des observations sans modifier ses revendications.

Dans ce cas, ce sont ses arguments qui vont déterminer la portée des revendications. Ainsi, si le demandeur souligne qu'une caractéristique est essentielle, il ne pourra plus bénéficier de la doctrine des équivalents pour couvrir un produit/procédé dans lequel la caractéristique essentielle est modifiée.

L'affaire Festo : Fed. Cir. 29 Novembre 2000
La Cour d'Appel du Circuit Fédéral a établi une méthodologie à appliquer pour juger la contrefaçon par équivalents.

1) analyser l'historique de la procédure (prosecution history estoppel),

2) la portée des revendications a-t-elle été limitée en cours de procédure ?

2a) si oui, le breveté doit démontrer que la modification a été faite sans relation avec la brevetablité (35USC 101, 102, 103 et 112),

si le breveté ne peut pas le démontrer en utilisant l'historique de la procédure, alors l'estoppel s'applique.

2b) si les revendications n'ont pas été modifiées, il faut examiner si un argument a été donné qui limite la portée des revendications et si c'est le cas, il faut déterminer si un estoppel s'applique.

Dans l'affaire Festo, deux brevets sont en cause.

Le premier brevet porte sur un cylindre et un manchon cylindrique qui encercle le cylindre. Au cours de la procédure, le demandeur a également caractérisé le manchon par le fait qu'il est "fait d'un matériau magnétisable". Cette modification a été faite sans explication.

Selon la méthodologie de la Cour d'Appel, il revient au breveté de démontrer que cette modification ne concerne pas la brevetabilité de l'invention. Or l'historique de la procédure ne donne aucune indication à ce sujet, ni dans la lettre de l'Examinateur, ni dans la réponse. Bien qu'il ait soutenu que la modification avait été faite pour des raisons de clarté, le breveté n'a pas pu démontrer que la limitation n'était pas liée à la brevetabilité. La doctrine des équivalents n'a donc pas été appliquée dans ce cas.

Un autre élément a été modifié pour répondre à une objection selon 35 USC §112 en précisant la présence d'une bague d'étanchéité.

La limitation étant relative à la brevetabilité, la doctrine des équivalents n'a pas non plus été appliquée.

Le deuxième brevet a été volontairement modifié en ajoutant comme caractéristique nécessaire la présence d'une "paire de bagues d'étanchéité".

L'historique de la procédure a montré que la limitation avait été faite en raison d'un document de l'art antérieur. La doctrine des équivalents ne s'applique donc pas.

Ce qui a changé
Avant l'affaire Festo, les juges disposaient d'une notion de "flexible bar" qui permettait, lorsque la modification était volontaire ou pas clairement en réponse à un rejet pour cause de non brevetabilité, de nuancer l'utilisation de la doctrine des équivalents. Désormais, la contrefaçon d'un brevet modifié ne sera reconnue pratiquement que lors d'une contrefaçon à l'identique.