Le simple usage d’un nom ne donne pas de droit de marque

24.10.2014

« Si un nom commercial qui désigne un fonds de commerce, même non inscrit au Registre du commerce et des sociétés, peut, lorsqu’il a un rayonnement national, constituer une antériorité opposable à une marque dès lors qu’il est perçu comme désignant les produits ou services constituant l’objet de l’activité effective du titulaire du fonds de commerce, encore faut-il que le signe invoqué comme antériorité opposable à la marque soit utilisé à titre de nom commercial ».



Dans quelles conditions une dénomination est-elle susceptible de constituer un nom commercial opposable ?

C’est à cette question qu’a répondu la Cour d’appel de Paris dans une décision en date du 9 septembre 2014 sur un litige opposant la société RPM GARANTIE à la société AUTOMOBILES PEUGEOT SA.

Faits :

La société AUTOMOBILES PEUGEOT SA est titulaire de la marque OCCASIONS DU LION PRIMO déposée le 21/07/2009 sous le n°3 665 458 pour désigner des produits et services en classe 12,37, 39. Elle exploite cette marque pour désigner une offre de véhicules d’occasion multimarques par les agents de son réseau Occasions du Lion.

La société RPM Garantie utilise depuis 2006 le signe PRIMO pour désigner une des deux formules de son offre d’extension de garantie mécanique pour véhicules d’occasion.

Cette dernière intente une action en nullité et concurrence déloyale à l’encontre de la société AUTOMOBILES PEUGEOT SA  en soutenant que depuis 2006, elle utilise la dénomination PRIMO à titre de nom commercial.

Solution :

Après avoir rappelé les dispositions de l’article L711-4 c) du Code de la propriété intellectuelle selon lesquelles :

« Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, »

 les juges d’appel ne font pas droit à sa demande et précisent que :

 Â« Si un nom commercial qui désigne un fonds de commerce, même non inscrit au Registre du commerce et des sociétés, peut, lorsqu’il a un rayonnement national, constituer une antériorité opposable à une marque dès lors qu’il est perçu comme désignant les produits ou services constituant l’objet de l’activité effective du titulaire du fonds de commerce, encore  faut-il que le signe invoqué comme antériorité opposable à la marque soit utilisé à titre de nom commercial ».

En l’espèce, les juges relèvent que :

Le seul nom commercial exploité par la société demanderesse est RPM Garantie

Le signe invoqué PRIMO n’est utilisé que pour commercialiser un des services d’extension de garantie notamment dans ses bulletins d’adhésion et ses constats de garantie relatifs à ce service, ces documents étant à l’en-tête RPM Garantie et non PRIMO.

Le site internet de la société demanderesse est accessible à partir du nom de domaine rpm-garantie.com et la page d’accueil du site fait uniquement référence au signe RPM Garantie

Les juges en tirent la conclusion suivante :  La société RPM n’utilise pas le signe PRIMO à titre de nom commercial. Dans ces conditions, il ne saurait constituer une antériorité opposable.

Analyse :

Pour rendre cette décision, les juges se sont fondés sur les dispositions de l’article L711-4 c) du Code de la propriété intellectuelle précitées qui posent trois conditions pour qu’une dénomination constitue un  nom commercial opposable :

*  Une dénomination constituant un nom commercial*  Connue sur l’ensemble du territoire national*  S’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

Par cette décision, les juges d’appel ont précisé la première de ces conditions en exigeant que  « le signe invoqué comme antériorité opposable à la marque soit utilisé à titre de nom commercial ».

La condition d’usage n’est pas étonnante puisque l’on sait que la protection accordée par le nom commercial naît de la priorité d’usage, le droit appartenant au premier occupant.

Néanmoins, qu’est ce qu’un usage « à titre de nom commercial » ?

Il est déjà largement admis que pour être constitutif de droit, il doit s’agir d’un usage public ; le droit naît à partir du moment où le nom commercial aura été mis en contact du public par la diffusion de documents publicitaires, l’usage de papier à en-tête ou de factures.

En l’espèce, les juges ont considéré que cette condition d’usage à titre de nom commercial n’était pas remplie après avoir relevé le faisceau d’indices suivant :

-          Le seul nom commercial exploité par la société demanderesse est RPM Garantie,

-          Le signe invoqué PRIMO n’est utilisé  que pour commercialiser un des services d’extension de garantie notamment dans ses bulletins d’adhésion et ses constats de garantie relatifs à ce service, ces documents étant à l’en-tête RPM Garantie et non PRIMO,

-          Le site internet de la société demanderesse est accessible à partir du nom de domaine rpm-garantie.com et la page d’accueil du site fait uniquement référence au signe RPM Garantie.

Cette jurisprudence nous permet de souligner que l’usage d’un nom pour désigner un produit ou un service n’est pas suffisant pour créer un droit et permettre ensuite d’en interdire l’usage aux tiers. Seul le nom commercial, nom sous lequel  la société se présente, peut être protégé ainsi. Et encore, il faudra démontrer qu’il est connu sur la France entière et non pas seulement localement. C’est pourquoi, il est nécessaire d’enregistrer le nom des produits ou services à titre de marque si l’on veut pouvoir ensuite agir en contrefaçon.