Les brevets DABUS : une intelligence artificielle peut-elle être un inventeur ?

17.02.2022

Un chercheur américain, Stéphane Thaler, a mis au point un système d’intelligence artificielle baptisé DABUS.



Ce système d’intelligence artificielle a notamment conçu deux inventions, un récipient alimentaire et des dispositifs et procédés pour attirer une attention accrue, qui ont fait l’objet de demandes de brevets dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, au Japon, en Chine et plus spécifiquement en Europe, auprès de l’Office Européen des Brevets (OEB), avec les deux demandes 18275163.6 et 18275174.3. En dehors des aspects classiques de brevetabilité pour ces deux inventions, l’intérêt de ces différents dépôts reposait sur le fait que l’inventeur désigné n’était pas, pour la première fois, une personne physique ou un groupe de personnes physiques, mais une intelligence artificielle.


Avec l’évolution des différents systèmes d’intelligence artificielle, la création d’inventions brevetables par de tels systèmes est de plus en plus probable. La question méritait donc d’être posée pour plusieurs aspects : une intelligence artificielle peut-elle être désignée comme inventeur ? Dans l’affirmative, à qui appartiennent les droits sur l’invention ? Dans la négative, qui est l’inventeur d’une invention brevetable créée de toutes pièces par une intelligence artificielle ?


Les différents dépôts dans plusieurs pays ont permis de répondre partiellement à ces questions, à savoir la désignation comme inventeur d’une intelligence artificielle, et de mesurer les différences d’approche dans les pays.


Ainsi, si l’Australie et l’Afrique du Sud ont accepté la désignation d’une intelligence artificielle comme inventeur, les autres pays l’ont en majorité refusée, au motif que selon leur loi nationale, seule une personne physique peut être nommée comme inventeur.


Dans ses décisions J8/20 et J9/20, l’OEB a conclu que, selon la Convention sur le Brevet Européen, et notamment son Article 81 qui impose la désignation d’un inventeur pour toute demande de brevet européen, seule une personne physique peut être inventeur.


Les décisions de l’OEB ont aussi l’intérêt d’aborder la question de titularité du brevet. En effet, l’OEB indique qu’une machine ne peut transmettre aucun droit à quiconque. Pour ces deux demandes de brevets, le déposant désigné, Stéphane THALER, n’est donc pas en mesure de prouver sa qualité d’ayant cause.


La loi actuelle, en France et en Europe, ne permet donc pas à l’heure actuelle de traiter les inventions créées par intelligence artificielle. Selon l’OEB, de telles inventions ne peuvent même pas faire l’objet d’une protection, puisque la machine ne peut céder aucun droit sur les inventions créées. Au vu des progrès dans ce domaine, en attendant une potentielle évolution législative, la désignation comme inventeur d’une intelligence artificielle est donc à proscrire.